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Un journal pas intime

Tag: Camus

Format poche

J’ai toujours adoré la littérature.  Je l’ai toujours prôné.  Je l’ai toujours mis sur un piédestal.  Dans une cloche de verre comme la rose de Belle et sa bête.

J’ai passé trois mois en Afrique.  J’ai assisté, entre autres, à des gens aux yeux brulés par l’acide, comme on voit dans Slumdog Millionnaire, afin de faire plus pitié quand ils quémandent.  J’ai mangé de la fécule de maïs, matin midi soir, pendant deux semaines, car la viande et les légumes ne se rendaient pas là où j’étais.

À ma grande surprise, une des choses que j’ai trouvée anormalement difficile à surpasser a été de me départir de mes livres.  Ils pesaient et gobaient trop de place dans mon sac à dos.  Imaginez : la petite blanche qui fait la réminiscence de papiers reliés abandonnés alors qu’un jour, une des radios locales a décidé que pendant 24h, elle émettrait un timbre sonore à chaque fois, qu’en théorie, un viol se produit en Afrique du Sud.  Cette journée-là, il y avait un timbre à chaque minute.  Un signal sonore à chaque soixante secondes.  Une fillette de plus à perdre sa virginité.  Une mère de plus à contracter le VIH.

Je connais les classiques de la littérature par cœur… Fahrenheit 451 et Montag. Orwell, 1983.  Le nez de Bergerac.  L’étranger qu’est Camus.  Jane Austen et Mr Darcy.

Pourtant, pas plus loin qu’au cégep, je la narguais cette littérature.  Quand venait le temps de lire ces romans, ces essais, ces recueils qui étaient mis à l’échéancier, je défiais l’exercice.  Je persistait à croire qu’une somme de X pages ne pouvait être si énigmatique.  Je ne les lisais donc pas.  Bien entendu, à l’époque, je blâmais le tout sur autre chose, sur cette excuse bidon qu’est le manque de temps.  Systématiquement, je m’informais au plus au de mes compétences sur lesdits récits.  J’appris par cœur les péripéties, les dénouements, les personnages, les contextes socio politique et culturel.  Quand venait le moment des comptes-rendus de lecture, j’excellais toujours.

Quand je rencontre un garçon et qu’il ne connaît pas Süskind, c’est un point de non-retour.  Lorsque je suis confrontée à un individu inconscient de l’apport de la putain d’Arcand, je fige.

À l’aéroport de Heathrow, avant d’avoir longtemps hésité à prendre Fifty Shades Darker,  je me suis procurer Life of Pi.  Hypnotisée, j’ai dévoré les quarante premières pages de Martel, après quoi j’ai malgré moi succombé à visionner le film dans l’avion.

Étonnamment, je ne juge pourtant pas être hypocrite.  Bien que je n’aie pas passé au travers les feuillets de tous ces auteurs, je les porte en moi.  Ils font partie de ma culture, de mon identité, du fondement de ma vision des choses.  Si je n’avais jamais eu vent de Coello, je serais fort probablement différente.

Considérant, je n’ai quand même pas le choix de me questionner…  Est-ce que j’adore la littérature en tant que telle ou ce qu’elle représente?

Je m’apprête à regarder On the road inspiré de Kerouac, coupable de faire dos à la muse en prose du long métrage.  Souhaitez-moi un bon film.

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Mon diagnostic est donné.

On retrouvait sur ces terrasses maintenant embaumées : les intellectuels.
Errants dans ces quartiers huppés et controversés,
Sartre et ses copains, Beaudelaire et ses apôtres se retrouvaient.
Genet, Camus.  Vian, Kafka.
Un double allongé.  Noir.
Ils se retrouvent à l’écart du monde pour le refaire.
Dans un salon vert et capitonné,
ils sont les rois de l’univers et des vers cadencés.
Élus, ils sont les prostitués des bouquins bien reliés.
Marginaux fétichisés qui créent, sous une tache de café, des faits sociaux et des pages balises.

Ils commettent un jour, par inadvertance calculée :
la dépendance aux mots.