Peter Pan

par GP

Je ne suis pas vieille, mais je vieillis.
Je n’ai pas peur de vieillir.
J’ai peur de ne plus être jeune.
Pas pour ma peau ou mon fonds de pension.
Pas pour mon accouchement ou mon arthrite.
J’ai la frousse de prendre de l’âge, car avec les années qui se suivent s’enchaine un processus plus grand que nature.  Un procédé qui stérilise l’innocence.  Une procédure qui responsabilise péjorativement.
J’essaie de contre balancer en me disant qu’avancer en âge c’est prendre de l’expérience.  Toutefois, rien ni personne nous prévient, bambins, que cette expérience est un couteau à double tranchant.  D’une part, on devient matures, raisonnés, sensés, logiques.  D’autre part, on devient démodés, fragiles, craintifs, balisés.
L’expérience a la qualité de ses défauts.
L’expérience fait douter et réfléchir.  Avec l’expérience, on dort là dessus.
Au fur et à mesure qu’on se remplit d’expérience, on fait moins de place à l’impulsivité, à la candeur, et conséquemment, parfois même aux rêves.
Je me surprends encore dire grandir au lieu de vieillir.
Je grandis, je ne vieillis pas.
Littéralement, si grandir comporte implicitement un genre d’expansion, pourquoi est-il que si souvent la place manque pour les réflexes de jeunots?
Je m’ennuie des gaffes de débutants.
Des déboires de naïveté.
Des comportements certes insensés, mais tant passionnels.
Et que dire de l’excès.
L’excès devient un tabou.  Un nuage noir au-dessus d’un caractère adulte, stable, raisonnable.
Quand est-il que ce se soit produit?
Quand est-il que je me suis mise à être raisonnable?
Écouter la voix de la raison c’est éviter la voie de l’ardeur.
Comment passion s’est métamorphosée en bon jugement?
Les attentes.
Celles qu’on s’impose et celles qu’on se fait infliger.
Choix ou conditionnement?
Moule ou liberté?
Débat.
Les possibilités nous font face pareillement maintenant qu’avant.
Avant égale mauvaise évaluation des conséquences.
Maintenant égale surabondance de prises en considération.
Je préfèrerais avoir une condition.
Diagnostiquée.
Étiquetée du syndrome de Peter Pan,
Que de blasphémer sur une conscience qui s’aiguise.

Publicité