par GP
Le pouvoir du boys band.
Le pouvoir de la passion démesurée.
Le pouvoir de la jeunesse.
J’ai 7 ans et 273 affiches des Back Street Boys gluées sur les murs de ma chambre rose. J’utilise l’escabeau pour enduire mon plafond de posters car je n’ai plus de place sur les autres façades de la pièce.
Pour vous mettre en contexte, à la semaine de relâche, je quitte pour un séjour chez ma tante et prends le soin de donner des instructions précises à ma mère : s’assurer de donner un goodnight kiss aux Nick Carter 2D.
À un moment donné, la radio de CKOI annonce un concours. À chaque millième appel, et ce pour un total de dix mille essais téléphoniques de fans, ils remettent une paire de billets dans une loge privée pour un concert des BSB au Centre Molson.
L’émission s’amorce à 6h00 am. Je me lève donc à 5h15. Je fais mon lit, ma toilette, déjeune, prépare mon sac d’école, et empoigne le téléphone. La maison est calme et noire. Je descends au sous-sol, compose les 7 chiffres qui changeront ma vie.
Deux heures et demie plus tard, le bouton redial n’aura plus d’imprimé.
Au fur et à mesure que la tonalité engagée raisonne sur mon tympan, je sillonne les dalles de la salle de jeux, le tapis du bureau, le prélart de la cuisine, et aboutis, vers 8h30, sur les tuiles de la salle de bain.
Le téléphone hoquette. Je vais vers mon père. Papa le téléphone à un problème. Il empoigne l’appareil. «C’est quoi le numéro?» Je lui scande aussitôt. Il approche le combiné de son oreille. Ça sonne. «Garance, je ne vois pas c’est quoi le problème, ça sonne!» ÇA SONNE? Il me le remet.
– Oui bonjour CKOI!
– Euh… Allô?
– Salut! C’est quoi ton nom?
– Garance.
– Clarence?
– Non Garance.
– Peux-tu nous l’épeler?
– G. A. R. A. N. C. E.
– Oh! Garance!
– Oui.
– Sais-tu, Garance, tu es le combientième appel?
– Euh… Non.
– TU ES LE SEPT MILLIÈME APPEL! (Musique de We’e Got it Goin’ On embarque)
[…]
Allô??
Je donne le téléphone à mon père.
– Oui bonjour je suis le père de Garance, elle est incapable de parler présentement.
– Haha!
Je reprends l’appareil, en sanglots. Entre deux pleurs, je réussis à émettre un son.
Le 1er janvier suivant, j’étais, avec mon papa, dans ladite loge.
Mon paternel eut un grand soulagement à son arrivée d’être en compagnie d’autres parents, d’autres adultes. Encore plus content d’avoir un buffet froid et, surtout, un bar open.
La loge est séparée en deux sections : le lounge et l’estrade d’où on peut assister au concert. Je suis dans la seconde partie. Jamais assise sur un strapontin, mais bien debout devant la séparation, collée à la barrière vitrée.
Plusieurs chansons après le début du spectacle, ils interprètent Quit Playing Games. À la fin de celle-ci, Nick s’approche d’une des caméras qui projettent les images sur grand écran et embrasse la lentille.
J’escalade les marches et fonce dans le lounge. Je braille. J’approche mon père larmoyant intensément. Il se redresse de son fauteuil. Me prend par les épaules et fait l’inquisition de mes pleurs. «T’es-tu blessée? As-tu mal? Qu’est-ce qui a?» Après un bon moment de souffles courts entrecoupés de pleurnichage, j’arrive à parler pour lui dire : «Nick vient de me donner un bec.» Il soupir violemment, s’adosse d’une traite dans son siège et, soulagé, part à rire.