Nous quatre, et Paris.

par GP

On pensait jamais bien voyager ensemble.  On est tellement différentes.

Encore aujourd’hui je ne peux pas totalement en saisir l’essence.
J’imagine que c’est juste quelque chose qui arrive.
Comme quand il neige et que tu marches dans la rue, et que pour une raison anonyme, il y a un flocon qui se pose dans ta bouche.

On s’était donné rendez-vous à Paris.

Dans un texte, comme ça, sur un blogue, «se donner rendez-vous à Paris» ça se mêle aux autres phrases sans qu’on y porte une attention particulière.  Mais dans la vraie vie, avec tes meilleures amies, «se donner rendez-vous à Paris» c’est plus qu’un évènement en soi.

Ça commencé avec du retard dans les avions.
Ça commencé avec presque 20h dans les machines volantes et les aéroports.
Ça commencé avec un appartement qui m’était prêté, dans un petit quartier de banlieue.
Ça finalement vraiment commencé, avec un miaulement de l’autre côté de la porte, et une bouteille de champagne qu’on a bue dans des tasses.

Après ça,
On était réunies.
Quatre.
Nous quatre :
À Paris.

Donc on fait ce qu’il y a à faire.
On module notre accent, et on trouve ça drôle.
On prend trop de photos, on squatte les musées, les statues.
On boit du vin à 2 euros sous les grandes pattes de la tour Eiffel.
On mange du confit, des croissants, et de la baguette.

Après Pigalle, on croise le Café des Deux Moulins.
Foire des péripéties cinématographiques d’Amélie Poulain.
On enjambe les pierres presque poncées des rues menant à Montmartre dans les petites collines abruptes que sont les rues y
conduisant.
On rit.
On est bien.
On est plus que bien
On est à Paris.

Nous sommes presque arrivées au point culminant de la butte aux artistes qu’on entend du Piaf.
On entend du crin grinçant sur des cordes.
On se regarde plus complice que possible.
On arrive.  Enfin.  Même pas essoufflée.

Un bonhomme est assis sur une petite caisse.
Sur son ampli.
Il a des lunettes rondes, et un dynamisme invitant.
Il est charismatique et humble.
Il ferme les yeux sous ses verres sphériques et happe son archet de passion, de sensualité, de ferveur.
Il déchaîne du Trenet.  La mer.

Encore aujourd’hui je ne peux pas totalement en saisir l’essence.
J’imagine que c’est juste quelque chose qui arrive.

On s’assoit.  Sans se consulter, le vote était unanime.
On s’imbibe.
Comme une éponge qui gobe.
Comme une étampe qui subit.

On était les quatre, à Paris.
Et après, on était les cinq, à Montmartre.
Nous et le violoniste.
Lui, son poil de cheval, et son coffre de bois.
C’était en fait juste ça.
Le violoniste qui entre son menton et son épaule, tenait le plus beau moment de notre rencontre.  Un moment inédit.   Un moment qui même en mots ne serait parlé pour lui-même.  Un moment où sans discuter, on en disait déjà trop.

À cet entretien, il y avait un lâcher-prise égorgeant.
Un abandon vulnérable et rarissime qui s’est imprimé dans nos annales incomprises.

Ce qui est inracontable,
C’est les meilleures histoires.
Ce qui nous échappe parce que c’est trop précieux,
C’est nous quatre et Paris.

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