Outardes et amulettes.
par GP
J’ai trop hiberné. Recouverte d’une peau d’ours grasse et touffue, j’ai dormi et dormi. Sommeil profond et engourdissant. J’avais fait mes provisions et m’étais retrouvée en foetus dans une grotte, bien au froid, mais plus au chaud. Je me réveille enfin, comme une enfant dans une tribu d’indiens. Je dois passer le rituel ; devenir un vrai, un adulte. Je chasse un cheval sauvage, l’étrangle et l’égoutte. Je suis rendu un loup. Carnivore et désirant la meute, on me pose des lignes de boues sur les joues, comme les footballers, comme ceux qui sont dignes d’avoir traversé le rite de passage. Je suis rendu un un héron. Fier échassier migrateur, noble et grand. Un sage vient poser une plume de bernache dans mes paumes. On me donne de la chance. Je la prend. Je pose la plume de bernache dans mes cheveux et commémore mes ancêtres. C’est le temps d’apprivoiser le sauvage. On m’ouvre la forêt. Je suis prête à affronter l’inconnu, un couteau à la taille, du cuir à mes hanches, et de la terre à ma peau.
Un jour, je serai sur un totem, avec ma plume de bernache, mes dents de loups et mes ailes d’héron. On contera des légendes, nommera mon nom et mes exploits. J’aurai aidé mon clan, et guidé les oies. Taillé des boulots et appris des saules. Le feu crépitera sous les paroles du manitou alors que les peuples seront assemblés sur des bûches fraîchement coupées. Je serai héritage et inspiration pour ces jeunes autochtones à la peau foncé qui aurons le désir de dévorer les plaines et atteler les lynxs.
Un jour, je serai fumée de chêne. Un jour, je serai poussière. Un jour, j’espère, je serai une bernache. Un jour, si j’en ai le privilège, je serai la plume de cette bernache, et je pourrai porter chance.